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Luxe, finance, nucléaire… Dans de nombreux domaines, le savoir-faire français
est recherché car inégalé. Une réalité qui contraste avec la sinistrose hexagonale.
Cocorico ! «What More» – le morceau qui accompagne Barack Obama lors de ses meetings depuis mars – a été composé par l’agence de design sonore bordelaise On Air Agency. Au pays du jazz et du rock and roll, ce choix est en soi une consécration. Nos stars bordelaises ne sont d’ailleurs pas les premiers musiciens hexagonaux à faire un tabac à l’étranger. Avant eux, Daft Punk, Air ou encore David Guetta avaient ouvert la voie, participant au courant musical de la «French touch». Et il n’y a pas que la musique ! Les compétences des «Frenchies» sont recherchées à l’international dans de nombreux secteurs d’activité. Le luxe et le nucléaire figurent parmi les classiques. D’autres sont moins souvent évoqués, comme les transports, l’ingénierie financière ou encore le high-tech. Panorama des domaines où la French touch cartonne.
Dans la finance, les Frenchies ont une valeur ajoutée : la bosse des maths
En 2011, c’est un Français – Jean-Pierre Mustier, l’ex-patron de Jérôme Kerviel à la Société générale – qui a été, malgré l’affaire, chargé de relancer l’activité financement et investissement d’UniCredit, l’une des grandes banques italiennes. Dans le milieu de la finance internationale, le cas n’est pas isolé. «Le nombre de “French engineers” sur les places financières de Londres, New York, Tokyo et Hong Kong ne cesse de croître, confirme Frédéric Fréry, professeur de stratégie à ESCP Europe. Nous sommes passés maîtres dans l’élaboration et l’utilisation d’outils de pointe.»
Création de produits dérivés sophistiqués, mise au point d’algorithmes pour calculer les couvertures de risques, les Français excellent dans divers domaines de la finance, y compris les plus récents. «La Société générale, BNP Paribas et le Crédit agricole figurent dans le top 10 des banques européennes proposant des “investors services” (services aux investisseurs), créés il y a moins de dix ans», précise Michel Jaubert, analyste chez AT Kearney. Cette excellence tient à une tradition d’épargne forte et à l’héritage napoléonien qui a placé les mathématiques au cœur de l’enseignement, du lycée à Polytechnique ou Centrale. Avec onze médailles Fields – l’équivalent du prix Nobel pour les mathématiques –, la France est le deuxième pays le plus récompensé, derrière les Etats-Unis.
Nos créateurs de films d’animation et de jeux vidéo sont formés à l’excellence
Difficile de s’imposer sous les étoiles de Hollywood face à «The Artist». Pourtant, il y avait bien un autre film français en compétition aux Oscars : le dessin animé «Une vie de chat», de Jean-Loup Felicioli et Alain Gagnol. Cette nomination illustre la réussite des Frenchies dans l’animation graphique et la 3D au pays de “Shrek” et “Toy Story”. Ils sont en effet de plus en plus nombreux à franchir l’Atlantique pour travailler dans les plus prestigieux studios hollywoodiens. Chez DreamWorks, par exemple, 10% des animateurs sont français. Ce qui fait la différence ? La qualité de la formation dispensée à l’école des Gobelins, affirment leurs employeurs.
Située dans la droite ligne de notre tradition en matière de graphisme et de peinture, cette patte se retrouve aussi dans le jeu vidéo. Ubisoft, la société des cinq frères Guillemot, figure dans le trio de tête des éditeurs mondiaux, et les Français comptent de nombreux titres à leur actif (citons In Memoriam et Ruse pour les plus récents). Aujourd’hui, les œuvres des diplômés de l’Enjmin (Ecole nationale du jeu et des médias interactifs numériques) ou de l’un des 23 autres centres de formation spécialisés sortent sur les consoles PlayStation et Xbox 360, mais aussi sur les réseaux sociaux. Le jeu Mamba Nation de Mimesis Republic (cofondé par Nicolas Gaume, ancien PDG de Kalisto) totalise déjà près de 400.000 inscrits sur Facebook.
La cuisine exporte ses grands chefs et ses produits agroalimentaires
La France, pays d’Alain Ducasse, de Guy Savoy ou de Joël Robuchon, est un berceau de la gastronomie. Avec de grands chefs ouvrant des établissements dans le monde entier, l’Hexagone réaffirme son leadership en matière culinaire. Parmi les plus belles réussites, celles de Daniel Boulud à Londres, New York et Pékin, d’Alain LeNôtre (le fils du célèbre pâtissier) à Houston et de Claude Troisgros (le frère de Michel) à Rio de Janeiro. Quant à Eric Ripert, le chef et propriétaire du Bernardin, à New York (400 couverts par jour), il est même devenu la coqueluche des téléspectateurs américains en participant à des émissions de télé-réalité sur la cuisine.
De l’autre côté des fourneaux, des industriels de l’agroalimentaire inondent la planète de leurs produits et préparations : Danone, Lactalis, Bongrain, Pernod Ricard ou encore Roquette (amidon, édulcorants) et Darégal (herbes aromatiques). Les deux derniers réalisent près des deux tiers de leurs ventes à l’étranger. Le secret de leur réussite ? «Ces entreprises consacrent en moyenne 7% de leur chiffre d’affaires à la recherche et au développement», indique Cédric Rémy, directeur chez Accenture. Ce n’est donc pas un hasard si la France se maintient au quatrième rang des exportations mondiales dans l’agroalimentaire.
Notre high-tech surfe sur les cartes
à puce et les logiciels made in France
C’est Morpho, une filiale du groupe Safran, qui a été sélectionné par le gouvernement indien pour recenser sa population. Cette entreprise française fournit aux autorités les outils de reconnaissance de l’iris et des empreintes digitales qui permettront d’identifier 1,2 milliard de ressortissants et de leur attribuer une carte d’identité. Leader mondial en solutions biométriques, Morpho est également spécialisé dans les cartes à puce. Les autres acteurs majeurs de ce secteur (Gemalto ou STMicroelectronics) sont aussi français : ils vendent leurs circuits électroniques
aux banques (pour les cartes de paiement), aux opérateurs téléphoniques (cartes SIM), aux transporteurs (type passe Navigo) et aux entreprises (pour les badges sécurisés). Etonnant ? «Pas tant que cela. La carte à puce est une invention hexagonale, répond Nicolas Sultan, analyste chez AT Kearney. Tous les brevets technologiques sont français : nos champions ont bénéficié d’une bonne longueur d’avance sur leurs concurrents.»
Autre cador tricolore du high-tech : Dassault Systèmes, dont les logiciels de gestion de cycle de vie des produits (en anglais, PLM pour «Product Lifecycle Management») cartonnent à l’étranger. «Ils sont utilisés dans tous les secteurs, aussi bien l’assurance que la cosmétique», assure Gilles Garel, titulaire de la chaire de gestion de l’innovation au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam). Enfin, le beau succès que se sont taillé des sociétés comme Parrot, Technicolor et Taztag au dernier Consumer Electronic Show de Las Vegas, le salon mondial des technologies grand public, rappelle que la France continue de disposer de sérieux atouts.
Les transports en commun français
se vendent comme des petits pains
Deux lignes de trains à grande vitesse au Royaume-Uni, un réseau de bus à Long Island, aux Etats-Unis, le tramway de Gold Coast, en Australie, une rame de métro à Séoul et une autre à Alger. Le transport en commun à la française s’exporte bien. Veolia Transdev, la filiale transports de Veolia Environnement, réalise plus des deux tiers de son chiffre d’affaires à l’étranger. La réputation des géants français (Veolia, Keolis-SNCF et RATP Dev) hors de nos frontières a été acquise grâce à la densité de notre réseau national, aux performances techniques du TGV et au nombre de touristes voyageant dans l’Hexagone. «Près de 20% des passagers de la SNCF sont étrangers, souligne Anne Pruvot, responsable des analyses chez Accenture. Notre territoire fait office de showroom grandeur nature. Beaucoup de gens à travers le monde connaissent nos TGV et nos métros sans conducteur. Cela favorise nos exportations.» Autres savoir-faire hexagonaux reconnus : la billettique (avec Thales) et l’ingénierie (avec Systra, spécialisé dans le tracé et la signalisation).
Notre modèle de l’hypermarché
a été dupliqué dans le monde entier
«Titres-restaurants, villages vacances, chaînes d’hôtels standardisés… On l’a peut-être oublié, mais la France n’a cessé d’inventer de nouveaux concepts dans les services», rappelle Frédéric Fréry, d’ESCP Europe. Dans le commerce, l’Hexagone a lancé les premiers réseaux de franchise (avec l’enseigne Pingouin-Stern, en 1929, qui comptait plus de 300 boutiques dans tout le pays dix ans après son lancement) et a inventé les hypermarchés. La France a réussi à exporter son modèle alliant une offre très large (45.000 références par magasin, dont des produits frais), une logistique pointue, des marques distributeurs fortes et même la pratique des marges arrière !
Mieux, elle l’adapte parfaitement aux réalités locales. En Asie, par exemple, la taille des parkings est revue à la baisse parce qu’il y a moins de voitures et plus de deux-roues, et les grandes surfaces sont situées à proximité des centres-villes. «Le secret tient aussi à un management français resserré au siège (trois ou quatre personnes) et à de nombreux collaborateurs, dont les patrons des magasins, recrutés sur place et chargés de trouver des produits et des services qui correspondent aux goûts locaux», résume Olivier Salomon, spécialiste de la grande distribution chez AT Kearney.
Dans le luxe, nos grandes marques
restent le summum du raffinement
Le luxe est le secteur de l’économie le plus souvent associé à la French touch. Et pour cause : la mode, le parfum, la maroquinerie et la cosmétique hexagonaux restent les emblèmes du bon goût. «En un mot, du raffinement à la française, héritier de la tradition mise en place à la fin du xviie siècle par Louis XIV à la cour de Versailles et qui rayonne encore : les marques françaises sont connues partout dans le monde», insiste Frédéric Fréry. Les grands groupes du secteur (L’Oréal, PPR, LVMH, Hermès) et les nombreuses PME qui les épaulent «perpétuent des métiers rares et manuels, de véritables savoir-faire artisanaux, ancestraux pour certains, comme la broderie François Lesage ou les cravates Anthime Mouley, qui fabriquent pour les plus grandes griffes», indique Jérôme Lescure chez Accenture. Dans le même temps, «elles n’hésitent pas à intégrer à leurs process de fabrication les innovations technologiques les plus récentes», assure Gilles Garel, du Cnam. Créé en 1921, le N°5 de Chanel bénéficie ainsi des dernières avancées dans les domaines de la chimie (adaptation du parfum aux goûts et aux technologies du moment), de l’emballage (pour le design et la fabrication du flacon) et de l’informatique (pour sa conception).
Le nucléaire bénéficie de plusieurs longueurs d’avance technologique
En matière de nucléaire, la France a développé un savoir-faire indiscutable et reste le numéro 1 du secteur. «L’EPR d’Areva est un modèle unique au monde, note Patrice Mallet, responsable du conseil pour les énergies chez Accenture. Et le Commissariat à l’énergie atomique réfléchit déjà aux réacteurs de quatrième génération.» Dans le sillage d’Areva sont nées de petites entreprises qui œuvrent sur des niches. C’est le cas de la PME marseillaise Cybernétix, dont les robots développés avec le CEA participent au démantèlement des générateurs en fin de vie. Concernant les réacteurs, Areva connaît quelques concurrents (comme Mitsubishi, Toshiba et Siemens), mais le géant français dispose en revanche d’une expertise unique dans les combustibles.
«Extraction et enrichissement d’uranium, retraitement, recyclage et enfouissement des déchets… La chaîne dans son ensemble est parfaitement maîtrisée», souligne Pascal Colombani, «senior advisor» chez AT Kearney. A tel point que les pays du monde entier commandent des usines de retraitement à Areva. Et, avec plus de 600 centrales en activité sur le globe, le marché réserve à la filière encore beaucoup d’opportunités. «Depuis les années 1950, Areva a consacré l’équivalent de plus de 30 milliards d’euros à la recherche-développement dans l’enrichissement et le retraitement de l’uranium», explique Paul Maillet, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Une concentration qui a sans doute fait perdre à la France la bataille des énergies renouvelables. «Même dans ce secteur nos opérateurs restent très forts sur des niches comme les éoliennes résistantes aux tempêtes et les éoliennes mobiles», tempère Paul Maillet. Décidément, la "French touch" reste dans le vent.
Sébastien Pierrot
Source: http://www.capital.fr/carriere-management/actualites/ces-secteurs-de-pointe-ou-la-french-touch-cartonne-724181
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